Takemehome de Dimitri Chamblas et Kim Gordon au festival Montpellier Danse

“Cette pièce n’est pas thématique”, a expliqué Dimitri Chamblas lors de la conférence de presse, “je me suis inspiré de ce que j’ai vu”. Image, donc, pure image, vaguement lointaine, de corps énigmatiques et opaques. “La dramaturgie de la pièce ne se structure pas en arc”, signale également Dimitri Chamblas, mais plutôt comme l’étirement d’un temps non orienté vers un but, une errance qui n’attend rien. L’errance ne saurait, en effet, avoir la forme d’un arc, elle a plutôt la forme d’un temps dont le déversement de la ligne ressemble à la flaque aride d’un désert dans lequel l’errant.e n’a pas d’autre identité que l’errance. Si Takemehome ne construit pas ses images par dénotation, représentation, métaphore ou symbolisation, elles ont tout de même un lieu de naissance qui leur confère le statut sémiotique de trace quasi-photographique.

Ouverture de Montpellier Danse 2024 – Focus sur Saburo Teshigawara et Arkadi Zaides

Un festival fait de créations, c’est donc un festival construit sur la confiance en la parenté qui existe entre l’œuvre et la plante rudérale : elle adviendra forcément. Un festival fait de créations, c’est aussi un festival fait de soutiens, car pour Jean-Paul Montanari, “le seul soutien aux artistes qui vaille, c’est justement les aides en termes techniques et surtout financiers. Tout le reste n’est que bavardage de salon”.

Comment Dire..? Paola Stella Minni et Konstantinos Rizos

Il y a la question de Johnny Rotten, la question des Sex Pistols, la question du punk. Il y a la question de l’écriture également : celle des corps, celle du plateau, celle de la présence. Il y a la question de la destruction, et celle de la dérision. Il y a aussi le témoignage d’une chambre et l‘angoisse des backrooms creepypasta. Il y a le pourrissement par lequel la vie animale se confond avec la vie végétale. Il y a Deleuze. Il y a Tiresias. Et puis il y a les chiens… ceux qui annoncent et accompagnent ce flux qu’on appelle la mort, ceux qui, par leurs grognements, échappent à la docilité de la domestication, ceux qui seraient la pire menace d’une vie vécue sur les ruines du capitalisme et de ses monstres.

LaScierie – Focus sur un lieu particulier / Amazones et Enfance(s) [il faut donc que ceci soit un manifeste]

Attentive aux aventures tierces, LaScierie accueille des spectacles OVNI dont Enfance(s) [il faut donc que ceci soit un manifeste] de la Compagnie les Papavéracées. L’enfance colle à la peau, dirait Claire Parnet, elle fait fond, elle demeure derrière la rage adolescente, l’accomplissement adulte, la sagesse ou l’aigreur de la vieillesse. Puisqu’on ne peut s’en défaire, il faudra bien la regarder en face pour ce qu’elle est : un commencement…

Israel Galván, La Consagración De La Primavera – Montpellier Danse

Le Sacre du printemps se structure autour du толчок (toltshock) qu’il faudrait traduire par “choc”, “secousse”, mais également par “poussée”, “impulsion”. Ce célèbre accord толчок sera répété plus de deux cents fois dans la partition du Sacre. Dans une poussée quasi volcanique, les accents, irréguliers, semblent éructer au hasard. Le corps-percussion d’Israel Galván, de zapateado en zapateado, sur gravier, tambour, bois, génère, pour notre œil, une inépuisable poussée dans le désir de voir.

Encantado de Lia Rodrigues – Montpellier Danse / Théâtre de la Vignette

Le processus d’individuation ne renonce jamais à l’harmonie corps/environnement, bien au contraire, l’individu émane du paysage sans jamais s’en séparer. C’est dans le jeu, aux deux sens du terme, de cette relation qu’adviennent les Encantados.

Umwelt de Maguy Marin au théâtre des 13 vents – CDN de Montpellier,

« Nous en sommes là.
A jouer du possible sans le réaliser.
A aller jusqu’à l’épuisement des possibilités.
Un épuisement qui renonce à tout ordre de préférence et à toute organisation de but ou de
signification. »
A considérer les quelques lignes de la feuille de salle, on voit poindre les lectures de lectures qui ont présidées à la pièce Umwelt : on reconnait clairement Deleuze lisant Beckett après avoir lu Spinoza, dans son texte intitulé L’Epuisé.

Katerina Andreou à ICI-CCN / Montpellier

Le mouvement des danseuses est continu et rien ne “prend corps” comme on dit, car tout se fait flux. Notre œil de spectateurice ne saisit ni une référence, ni une séquence, ni même un visage. La musique ne singularise pas beaucoup plus ; inspirée des musiques noises et électro, quelques chants d’oiseaux se font néanmoins entendre. Dans un mouvement inverse à celui du dirigeable amarré, la pesanteur joyeuse des corps finira par chercher l’ascension en se hissant aux cordes suspendues.

FiestAgora avec Gilles Deleuze (4/4)

Tombeau de l’âme pour Platon, le corps doit être soumis à l’effort, et à la discipline, dès son plus jeune âge car l’enfant, incapable de “rester tranquille [nous dit Platon], de s’abstenir de gesticuler ou de parler”, se disperse dans une multitudes de mouvements désordonnés et “in-orientés” pour ne pas dire désorienté. Il faut “cultiver l’ordre du mouvement” rajoute t’il, c’est à dire enseigner à l’enfant le rythme pour lui permettre de se mouvoir sans désordre, pour rationaliser et normaliser les mouvements de son corps encore sauvage. Deux remèdes à la sauvagerie, selon Platon : la lutte et la danse.

FiestAgora avec Gilles Deleuze (3/4)

Berlin Ouest était un corps organique au sens d’un corps organisé, dont les formes urbanistiques étaient cristallisées dans l’architecture et l’aménagement urbain : c’était une ville patrimoniale, remplie de traces du passé impossibles à déconstruire, laissant peu de place, donc, aux choses nouvelles. Berlin Est, quant à elle, figurait plutôt la dialectique du Corps sans Organe et du désir. Elle était en chantier permanent, nous laissant entrevoir tous les possibles de l’avenir sans pour autant que nous puissions en dessiner clairement les contours.