La chorégraphe militante brésilienne Lia Rodrigues présente Encantado au Théâtre de la Vignette dans le cadre d’un co-accueil Montpellier Danse / La Vignette, les 9, 10 et 11 février, puis à la Scène Nationale du Grand Narbonne le 14 février. Une pièce pour 11 danseureuses de la compagnie que Lia Rodrigues a fondé en 1990 et qu’elle a choisi d’installer, depuis 2004, dans la Favela Maré, à Rio de Janeiro.

La soirée commence par un rappel : celui du soutien apporté par le Festival Montpellier Danse et le théâtre de La Vignette lorsque la crise sanitaire a impacté la création d’Encantado. Lia Rodrigues nous informe également d’un appel à l’aide, pour le peuple Yanomami vivant dans le nord du Brésil, dont la crise sanitaire et alimentaire d’une part, et la brutalité des chercheurs d’or d’autre part, se pensent comme autant de signes d’un génocide savamment orchestré. Au Brésil, le territoire des Yanomami s’étend sur 9,6 millions d’hectares. Au Venezuela, les Yanomami vivent dans la réserve de biosphère de l’Alto Orinoco-Casiquiare, dont la superficie est de 8,2 millions d’hectares. Les Yanomami constituent le plus grand peuple vivant de façon relativement isolée en Amérique du Sud, en harmonie avec la forêt amazonienne.
Pour qu’adviennent les Encantados au coeur des corps et des paysages
Le noir se fait dans la salle, la gorge est déjà nouée, le sol est jonché de tissus bariolés soigneusement étalés. Les danseur.euse.s entrent lentement, discrètement, les un.e.s après les autres. Dans la pénombre, leur corps nus épousent les tissus. Une interprète se glisse sous une des couvertures, comme dans un lit. Rampant pour s’enfoncer plus avant sous les tissus, une première figure, lombricienne, apparaît à notre regard, et avec elle, un premier relief. La scène devient alors paysage, fait de tissus et de corps. Les évocations se succèdent et se dessinent de plus en plus précisément : animales, végétales, minérales. Et c’est de ce monde naturel que la première ébauche humaine émerge, un peu carnavalesque, un peu gargantuesque, ventre affamé et yeux roulants dévorant le monde.

Le processus d’individuation ne renonce jamais à l’harmonie corps/environnement, bien au contraire, l’individu émane du paysage sans jamais s’en séparer : il en fait pleinement partie, il s’en revêt, l’épouse, se fond en lui. Individu et paysage se co-construisent. Les corps naissent du sol et y retournent. Chaque corps qui se dresse emporte avec lui son habit d’humus. Le monde humain s’éveille et se structure en société fortement intégrée à son éco-système. C’est dans le jeu, aux deux sens du terme, de cette relation corps/environnement qu’adviennent les Encantados, divinités afro-amérindiennes du Brésil habitant entre les mondes ; ciel et terre, vivant et mort, matière et esprit.
En constante manipulation des tissus, un peu en camouflage, un peu en travestissement, les interprètes modifient leur corps à vue, dans une sorte de morphing analogique. Le maniement des tissus relève de la prestidigitation, à même de modifier les silhouettes et de générer une forêt de signes suffisamment puissants pour convoquer les figures qu’ils évoquent. Lia Rodrigues nous parle d’un monde dont la magie consiste à habiter, avec les Encantados, sur la ligne incantatoire qui sépare la représentation de la transsubstantiation et le signe de la chose.
La bande sonore est composée de chants traditionnels du Peuple Guarani Mbya. Du silence naît le rythme et du rythme naît le chant. Cette musique magmatique, dont les variations progressives opèrent au sein des ritournelles, provoque une sorte de transe jubilatoire. Musique et danse s’engendrent mutuellement dans cette transe qui, par contagion kinesthésique, persiste encore bien après les saluts, sur cet étrange seuil qui sépare l’œuvre de la réalité, dans cet entre-deux où vivent les Encantados.
Marie Reverdy
Dansé et créé en étroite collaboration avec : Leonardo Nunes, Alice Alves, Valentina Fittipaldi, Andrey da Silva, Larissa Lima, Ricardo Xavier, Daline Ribeiro, David Abreu, Felipe Vieira Vian, Tiago Oliveira, Raquel Alexandre.
Assistanat à la création Amalia Lima
Dramaturgie Silvia Soter
Collaboration artistique et images Sammi Landweer
Création lumières Nicolas Boudier
Régie générale et lumières Magali Foubert et Baptistine Méral
Bande sonore et chansons du peuple Guarani Mbya
Mixage Alexandre Seabra
Production et diffusion Colette de Turville et Astrid Toledo
Administration Jacques Segueilla
Production Gabi Gonçalves – Corpo Rastreado (Brésil) ; Claudia Oliveira – Goethe Institut
Secrétariat Gloria Laureano
Coproduction : Chaillot – Théâtre National de la Danse – Paris / Le CENTQUATRE-PARIS / Festival d’Automne à Paris / Scène nationale Carré-Colonnes, Bordeaux Métropole / Le TAP Théâtre Auditorium de Poitiers / Scène nationale du Sud-Aquitain / La Coursive, Scène nationale La Rochelle / L’Empreinte, Scène nationale Brive-Tulle / Théâtre d’Angoulême, Scène Nationale / Le Moulin du Roc, Scène nationale à Niort / La Scène Nationale d’Aubusson, Théâtre Jean Lurçat / l’OARA – Office Artistique de la Région Nouvelle-Aquitaine/ Le Kunstenfestivaldesarts – Bruxelles/ Theaterfestival – Basel / HAU Hebbel am Ufer – Berlin / Oriente Occidente Dance Festival – Rovereto / Theater Freiburg / Julidans – Amsterdam/ Teatro Municipal do Porto, DDD – Festival Dias Da Dança et Lia Rodrigues Companhia de Danças, Association Lia Rodrigues-France
Avec le soutien de : Redes da Maré e Centro de Artes da Maré, les partenaires du FONDOC (Occitanie) ainsi que du Fonds international de secours pour les organisations de la culture et de l’éducation 2021 du ministère fédéral allemand des Affaires étrangères, le Goethe-Institut et d’autres partenaires.
Lia Rodrigues est artiste associée du CENTQUATRE-PARIS. Prix du « Meilleur Spectacle Chorégraphique » 2021-2022 pour «Encantado », décerné par le Syndicat Professionnel de la Critique Théâtre, Musique et Danse.
Remerciements : Thérèse Barbanel, Antoine Manologlou, Maguy Marin, Eliana Souza Silva, équipe du Centro de Artes da Maré
Pièce dédiée à Oliver