Israel Galván, La Consagración De La Primavera – Montpellier Danse

Le Sacre du printemps se structure autour du толчок (toltshock) qu’il faudrait traduire par “choc”, “secousse”, mais également par “poussée”, “impulsion”. Ce célèbre accord толчок sera répété plus de deux cents fois dans la partition du Sacre. Dans une poussée quasi volcanique, les accents, irréguliers, semblent éructer au hasard. Le corps-percussion d’Israel Galván, de zapateado en zapateado, sur gravier, tambour, bois, génère, pour notre œil, une inépuisable poussée dans le désir de voir.

Encantado de Lia Rodrigues – Montpellier Danse / Théâtre de la Vignette

Le processus d’individuation ne renonce jamais à l’harmonie corps/environnement, bien au contraire, l’individu émane du paysage sans jamais s’en séparer. C’est dans le jeu, aux deux sens du terme, de cette relation qu’adviennent les Encantados.

Umwelt de Maguy Marin au théâtre des 13 vents – CDN de Montpellier,

« Nous en sommes là.
A jouer du possible sans le réaliser.
A aller jusqu’à l’épuisement des possibilités.
Un épuisement qui renonce à tout ordre de préférence et à toute organisation de but ou de
signification. »
A considérer les quelques lignes de la feuille de salle, on voit poindre les lectures de lectures qui ont présidées à la pièce Umwelt : on reconnait clairement Deleuze lisant Beckett après avoir lu Spinoza, dans son texte intitulé L’Epuisé.

La Cerisaie / 桜の園 de Tchekhov, par Daniel Jeanneteau et Mammar Benranou

Le serf s’affranchit et le propriétaire sombre, sa décadence réside dans l’oisiveté, lui faisant perdre tout corps à corps avec la nature, avec les éléments, avec la matière, avec la vie… “Imaginez, Ania : votre grand-père, votre arrière-grand-père, tous vos ancêtres possédaient des esclaves, ils possédaient des âmes vivantes… Posséder des âmes vivantes – mais cela vous a dégénérés, vous tous, vivants ou morts, si bien que votre mère, vous, votre oncle, vous ne voyez même plus que vous vivez de dettes, sur le compte des autres, le compte de ces gens que vous laissez à peine entrer dans votre vestibule…”

Gênes 21 / Gênes 01 de Fausto Paravidino – Théâtre de la Vignette / Acetone Cie

Et on se souvient, que derrière ce ridicule qui nous avait fait sourire, il y avait le pathétique d’une situation qui nous glaçait le sang, car ces images nous montraient que notre monde avait changé de registre, et qu’il était passé de l’épique à la farce. Comme le dit Schopenhauer, “on dirait que la fatalité veut, dans notre existence, compléter la torture par la dérision ; elle y met toutes les douleurs de la tragédie, mais, pour ne pas nous laisser au moins la dignité du personnage tragique, elle nous réduit, dans les détails de la vie, au rôle du bouffon » et je crois qu’il convient de nommer ce phénomène par le terme “humiliation”…

Laboratoire Poison et Qui Vive ! – Adeline Rosenstein

La pièce documentaire en 4 parties “Laboratoire Poison”, conçue, écrite et mise en scène par Adeline Rosenstein, interroge le regard, tous les regards. Elle interroge les énoncés et les énonciations. Elle aborde également la question des identités en contexte d’oppression : héro.ïne ici et lâche ailleurs, héro.ïne pour les uns et traître.sse pour les autres, héro.ïne aujourd’hui et scélérat.e demain. Car l’identité n’est pas une substance, mais le résultat d’une énonciation, elle n’est pas immuable et nous permet de comprendre que ce n’est pas hier qui explique aujourd’hui, mais aujourd’hui qui évalue hier.

Séminaire et Bord-Plateau – Institut Ophélie / Nathalie Garraud et Olivier Saccomano

De là, sûrement, la remarque d’Olivier Neveux quant à la récurrence du terme “réalisme” pour qualifier les enjeux d’un art politique qui consiste présenter le réel tel qu’il est au lieu de le traverstir en image idéologique. De là aussi l’appel à son dépassement, pour ne pas se borner à ce qui est mais imaginer ce qui pourrait être, ce qui devrait être, ce qu’on voudrait qui soit.

Katerina Andreou à ICI-CCN / Montpellier

Le mouvement des danseuses est continu et rien ne “prend corps” comme on dit, car tout se fait flux. Notre œil de spectateurice ne saisit ni une référence, ni une séquence, ni même un visage. La musique ne singularise pas beaucoup plus ; inspirée des musiques noises et électro, quelques chants d’oiseaux se font néanmoins entendre. Dans un mouvement inverse à celui du dirigeable amarré, la pesanteur joyeuse des corps finira par chercher l’ascension en se hissant aux cordes suspendues.

FiestAgora avec Gilles Deleuze (4/4)

Tombeau de l’âme pour Platon, le corps doit être soumis à l’effort, et à la discipline, dès son plus jeune âge car l’enfant, incapable de “rester tranquille [nous dit Platon], de s’abstenir de gesticuler ou de parler”, se disperse dans une multitudes de mouvements désordonnés et “in-orientés” pour ne pas dire désorienté. Il faut “cultiver l’ordre du mouvement” rajoute t’il, c’est à dire enseigner à l’enfant le rythme pour lui permettre de se mouvoir sans désordre, pour rationaliser et normaliser les mouvements de son corps encore sauvage. Deux remèdes à la sauvagerie, selon Platon : la lutte et la danse.

FiestAgora avec Gilles Deleuze (3/4)

Berlin Ouest était un corps organique au sens d’un corps organisé, dont les formes urbanistiques étaient cristallisées dans l’architecture et l’aménagement urbain : c’était une ville patrimoniale, remplie de traces du passé impossibles à déconstruire, laissant peu de place, donc, aux choses nouvelles. Berlin Est, quant à elle, figurait plutôt la dialectique du Corps sans Organe et du désir. Elle était en chantier permanent, nous laissant entrevoir tous les possibles de l’avenir sans pour autant que nous puissions en dessiner clairement les contours.