Après Wilder Shores présentée lors de la 41ème édition du festival Montpeller Danse, Michèle Murray poursuit son travail autour des toiles du peintre Cy Twombly. Dans Empire of Flora (1961), la couleur rose prédomine. On sent, laissée sur la toile, la trace de la fougue et de la chaleur du geste de peindre. Empire of Flora est également le titre d’une toile de Nicolas Poussin (1631) faisant référence à une allégorie du printemps et de la fertilité utilisée dans la mythologie greco-romaine.

Cy Twombly et le printemps foisonnant
Tout commence par le plateau, éclairé de rose, et la musique live de DJ Lolita Montana, dont les platines situées à cour font face au plateau vide. Le premier danseur rentre. Il travaille surtout le mouvement de ses bras, en ouverture, en ampleur, et l’on peut y lire une 5ème qui apparaît quelque fois, comme autant de clins d’oeil à la formation classique que Michèle Murray a suivie à Düsseldorf. Travaillant sur l’axe horizontal, pivotant le torse comme pour embrasser la totalité de l’ici et du maintenant, il sera rejoint par les autres danseurs qui feront leur entrée l’un après l’autre.
Piste de danse où il est interdit de se toucher, piste de danse où chacun explore la voie du mouvement, répète un geste, ébauche une phrase chorégraphique avant de déployer un discours. Piste de danse en solo, avant que quelques regards ne s’échangent (sans jouer cet échange, bien sûr), avant l’émergene de quelques unissons (sans que nous ayons l’impression d’un rendez-vous) et, pour finir, avant quelques pas de deux (sans que cela ne soit présenté comme l’apothéose du printemps). La pièce foisonne de détails chorégraphiques, inscrits dans les corps et dans l’espace. Des fulgurances de références semblent émerger de la vivacité des corps. Tout semble millimétré autant que fortuit, à l’image de la définition de la vie donnée par Jacques Monod, née entre “le hasard et la nécessité”. Il y a quelque chose de jubilatoire dans cette pièce, quelque chose de réjouissant. Le printemps n’a pas de paysage, il n’a pas d’odeur, il n’a pas de visage, il est état contradictoire, situé quelque part entre la puissance et la grâce.

Merce Cunningham et la liberté jubilatoire
Michèle Murray revendique l’héritage de Merce Cunningham auprès de qui elle s’est formée. La structuration géométrique du plateau, l’expression du visage et la modalité d’exécution sont les points les plus visibles de cet héritage. Il y a aussi, bien sûr, la liberté dans la contrainte et la rigueur comme moyen d’émancipation. Il y a, enfin, l’absence de thème : l’écriture chorégraphique prend son point de départ dans la relation entre le corps des danseurs et le plateau, et se construit par un processus génératif, combinatoire. Pour définir sa démarche, Michèle Murray parle d’écriture instantanée et la rapproche du fonctionnement linguistique : un stock de vocabulaire composé par chaque danseur et des règles de composition (syntaxe) qui sont ensuite trouvées au plateau. A partir de là, le nombre de possibilités devient infini et la créativité devient dialectique, entre choix et nécessité : “Dès qu’on commence à établir certaines règles, les règles suivantes se mettent en place presque d’elles-mêmes. Et à partir d’un certain moment, ce n’est plus nous qui dirigeons la pièce, c’est la pièce qui se dirige” explique Michèle Murray lors d’une interview accordée en février au CCN – Ballet de Lorraine.
La musique a une certaine indépendance vis à vis de la danse, dans une forme de dialogue qui, tout comme les danseurs entre eux, passera d’une relation à une autre, d’une préposition à une autre : avec, à côté, contre, malgré.
La fin de la pièce se fait sentir, quelque chose revient, comme un cycle, mais pas à l’identique…
Marie Reverdy
Empire Of Flora – Montpellier Danse 42 https://www.montpellierdanse.com/spectacle/empire-of-flora
Direction artistique, chorégraphie : Michèle Murray
Musique : Lolita Montana (DJ set)
Collaboration artistique : Maya Brosch, Marie Leca
Création lumière : Catherine Noden
Costumes : Lucie Patarozzi
Création, interprétation : Alexandre Bachelard, Baptiste Ménard, Manuel Molino, Julien-Henri Vu Van Dung
Production : PLAY / Michèle Murray – Association Stella
Coproduction et soutien : Festival Montpellier Danse 2022, CCN Nancy – Ballet de Lorraine – dispositif Accueil studio 2021 -22, Arts vivants – Conseil Départemental de l’Hérault Théâtre d’O Montpellier, Théâtre La Vista – La Chapelle – Ville de Montpellier, Pôle de Développement Chorégraphique Bernard Glandier
Avec le soutien de : Ministère de la Culture et de la communication – DRAC Occitanie Pyrénées Méditerranée, Région Occitanie Pyrénées Méditerranée, Ville de Montpellier
Pour cette création, Michèle Murray a été accueillie en résidence à l’Agora, cité internationale de la danse avec le soutien de la Fondation BNP Paribas