Pour cette 41ème édition, le festival Montpellier Danse accueille cinq propositions signées par Daïna Ashbee : Serpentine, Unrelated, Pour, Laborious Song et When the ice melts, will we drink the water ? L’artiste québécoise et ses interprètes marquent le festival par ces cinq œuvres fines, épurées, précises et engagées. Laborious Song fait plus particulièrement écho à Serpentine : deux solos, deux corps nus, tatoués, libérant une douleur refoulée.

Benjamin Kamino attend, sur le plateau, que le dernier spectateur se soit installé, tout comme Areli Moran l’avait fait dans Serpentine. Et tout comme Serpentine, il s’agit d’un solo cathartique, fondé sur la répétition et l’insistance.
Le corps de Benjamin Kamino dessine les pourtours de son territoire. Il tourne autour du plateau comme on tourne autour d’un puits. La lumière est crue, le dispositif est bifrontal, nous voyons le plateau autant que notre reflet dans le miroir des spectateurs d’en face. Les hommes, le plus souvent, détournent le regard…
Le corps de Benjamin Kamino
Contrairement à celui d’Areli Moran, le corps de Benjamin Kamino n’est pas enduit d’huile. Progressivement, par la contraction de l’ensemble de ses muscles, il se couvrira de sueur. Perlant de son front sur son visage, parcourant son cou, son torse, son ventre pour se perdre dans ses poils pubiens. Le corps de Benjamin Kamino ruisselle légèrement, sans s’inonder. Un appui contre le mur noir laisse quelques traces, discrètes. Les échanges de regards avec le public se font les yeux dans les yeux. Benjamin Kamino incarne un corps qui voudrait passer en force, dirait-on, mais qui semble souffrir et subir une violence autodestructrice. Il s’écrase au sol, méthodiquement, dans un mouvement serpentin avant que son corps, essoufflé, ne succombe à la pesanteur. Les chutes et mouvements répétitifs se perçoivent de plus en plus violemment. L’étau se resserre vers le centre du plateau. Au sol, sur la ligne centrale entre les deux gradins, Benjamin Kamino, laisse échapper son souffle, emportant un brin de voix. Il se tord, au sol, jusqu’aux cris, cherchant toujours un point d’accroche à un de nos regards. La musique advient, avec ses bruits de feuillage, d’oiseaux et de pluie, ainsi que la lumière mêlant le jaune, le vert et le rouge.
L’écriture de Daïna Ashbee
Accrochés à son regard, nous suivons Benjamin Kamino, pas à pas, chute à chute. Interprète de la chorégraphie de Daïna Ashbee, sa qualité de présence n’est cependant pas loin de celle du performer. Pour cette pièce fondée sur la présence et sur la répétition, jamais un motif n’est de trop. Le temps et l’adresse sont d’une parfaite justesse. Daïna Ashbee a une écriture ciselée et, oxymoriquement, d’une complexe simplicité, entre angoisse et jubilation. Son vocabulaire chorégraphique, indique-t’elle, vise à « découvrir sa relation avec l’environnement, la terre et ses ancêtres » en puisant « aux sources du subconscient ». Le subconscient n’est pas l’inconscient, il se situe à la limite de la conscience, il est conscience vague, il est apte à devenir conscience aussitôt que l’attention s’y porte. Cette attention portée est partagée ; par Daïna Ashbee, par Benjamin Kamino, et par le public, faisant apparaître sur l’écume de l’écriture, du corps, et de la rétine, une évidence… Tout simplement sublime…
Marie Reverdy
Chorégraphie : Daina Ashbee
Interprétation et collaboration : Benjamin Kamino
Lumières et direction technique : Karine Gauthier
Répétitions : Gabriel Nieto
Compositeur : Gianni Bardaro
Administration : Angelica Morga
Production : Daina Ashbee
Coproduction : Usine C, Avec le soutien de Conseil des arts du Canada Résidences de création : La Briqueterie/Circuit-Est Centre Chorégraphique, fabrik – Potsdam, Bad Lemons, The Chocolate Factory, CEPRODAC, Plataforma 322.
Daina Ashbee bénéficie du soutien du Conseil des arts et des lettres du Québec, du Conseil des arts du Canada.
Daina Ashbee a été accueillie en résidence à l’Agora, cité internationale de la danse avec le soutien de la Fondation BNP Paribas.
Serpentine a été donnée au festival Montpellier Danse 41, studio Cunningham – Agora, Cité Internationale de la Danse, les 25 et 26 juin 2021.

Voir le programme de la 41ème édition du festival Montpellier Danse