Laborious Song / Daïna Ashbee

Pour cette 41ème édition, le festival Montpellier Danse accueille cinq propositions signées par Daïna Ashbee : Serpentine, Unrelated, Pour, Laborious Song et When the ice melts, will we drink the water ? L’artiste québécoise et ses interprètes marquent le festival par ces cinq œuvres fines, épurées, précises et engagées. Laborious Song fait plus particulièrement écho à Serpentine : deux solos, deux corps nus, tatoués, libérant une douleur refoulée.

Marie Reverdy - SpinticA. Laborious Song / Daïna Ashbee. Montpellier Danse 2021.
LaboriousSong © DavidWong

Benjamin Kamino attend, sur le plateau, que le dernier spectateur se soit installé, tout comme Areli Moran l’avait fait dans Serpentine. Et tout comme Serpentine, il s’agit d’un solo cathartique, fondé sur la répétition et l’insistance.

Le corps de Benjamin Kamino dessine les pourtours de son territoire. Il tourne autour du plateau comme on tourne autour d’un puits. La lumière est crue, le dispositif est bifrontal, nous voyons le plateau autant que notre reflet dans le miroir des spectateurs d’en face. Les hommes, le plus souvent, détournent le regard…

Le corps de Benjamin Kamino

Contrairement à celui d’Areli Moran, le corps de Benjamin Kamino n’est pas enduit d’huile. Progressivement, par la contraction de l’ensemble de ses muscles, il se couvrira de sueur. Perlant de son front sur son visage, parcourant son cou, son torse, son ventre pour se perdre dans ses poils pubiens. Le corps de Benjamin Kamino ruisselle légèrement, sans s’inonder. Un appui contre le mur noir laisse quelques traces, discrètes. Les échanges de regards avec le public se font les yeux dans les yeux. Benjamin Kamino incarne un corps qui voudrait passer en force, dirait-on, mais qui semble souffrir et subir une violence autodestructrice. Il s’écrase au sol, méthodiquement, dans un mouvement serpentin avant que son corps, essoufflé, ne succombe à la pesanteur. Les chutes et mouvements répétitifs se perçoivent de plus en plus violemment. L’étau se resserre vers le centre du plateau. Au sol, sur la ligne centrale entre les deux gradins, Benjamin Kamino, laisse échapper son souffle, emportant un brin de voix. Il se tord, au sol, jusqu’aux cris, cherchant toujours un point d’accroche à un de nos regards. La musique advient, avec ses bruits de feuillage, d’oiseaux et de pluie, ainsi que la lumière mêlant le jaune, le vert et le rouge.

L’écriture de Daïna Ashbee

Accrochés à son regard, nous suivons Benjamin Kamino, pas à pas, chute à chute. Interprète de la chorégraphie de Daïna Ashbee, sa qualité de présence n’est cependant pas loin de celle du performer. Pour cette pièce fondée sur la présence et sur la répétition, jamais un motif n’est de trop. Le temps et l’adresse sont d’une parfaite justesse. Daïna Ashbee a une écriture ciselée et, oxymoriquement, d’une complexe simplicité, entre angoisse et jubilation. Son vocabulaire chorégraphique, indique-t’elle, vise à « découvrir sa relation avec l’environnement, la terre et ses ancêtres » en puisant « aux sources du subconscient ». Le subconscient n’est pas l’inconscient, il se situe à la limite de la conscience, il est conscience vague, il est apte à devenir conscience aussitôt que l’attention s’y porte. Cette attention portée est partagée ; par Daïna Ashbee, par Benjamin Kamino, et par le public, faisant apparaître sur l’écume de l’écriture, du corps, et de la rétine, une évidence… Tout simplement sublime…

Marie Reverdy

Chorégraphie : Daina Ashbee

Interprétation et collaboration : Benjamin Kamino

Lumières et direction technique : Karine Gauthier

Répétitions : Gabriel Nieto

Compositeur : Gianni Bardaro

Administration : Angelica Morga

Production : Daina Ashbee

Coproduction : Usine C, Avec le soutien de Conseil des arts du Canada Résidences de création : La Briqueterie/Circuit-Est Centre Chorégraphique, fabrik – Potsdam, Bad Lemons, The Chocolate Factory, CEPRODAC, Plataforma 322.

Daina Ashbee bénéficie du soutien du Conseil des arts et des lettres du Québec, du Conseil des arts du Canada.

Daina Ashbee a été accueillie en résidence à l’Agora, cité internationale de la danse avec le soutien de la Fondation BNP Paribas.

Serpentine a été donnée au festival Montpellier Danse 41, studio Cunningham – Agora, Cité Internationale de la Danse, les 25 et 26 juin 2021.

Marie Reverdy - SpinticA. Laborious Song / Daïna Ashbee. Montpellier Danse 2021.
Serpentine © Ian Douglas

Voir le programme de la 41ème édition du festival Montpellier Danse

Publié par Marie Reverdy

Marie Reverdy est dramaturge et travaille avec plusieurs compagnies de théâtre et de danse, en salle ou en espace public. Elle intervient auprès des étudiants de l’Université Paul Valéry-Montpellier 3, des étudiants de l'Université de Nice Côte d'Azur, du Conservatoire de Montpellier parcours Théâtre, du DPEA de Scénographie de l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Montpellier et de la FAI-AR – formation supérieure d’art en espace public à Marseille. Formée à la philosophie, Marie Reverdy obtient son doctorat en 2008 avec une thèse consacrée à la question de la Représentation et de la Performance à partir d'un corpus d'Art Biotech. Elle aborde ainsi les liens entre Epistémologie, Ethique et Esthétique. Sa collaboration pour la revue d’art contemporain Offshore pendant près de 20 ans, pour laquelle elle rédigeait la chronique Théâtre, lui permet de se former auprès de Jean-Paul Guarino à l’exigence des concepts dramaturgiques et philosophiques déployés dans une langue qui échappe au formalisme universitaire. Marie Reverdy a également collaboré à la revue Mouvement pendant 5 années. Intéressée par la notion philosophique de Représentation, elle est l’autrice de l’ouvrage Comprendre l’impact des mass-médias dans la (dé)construction identitaire, paru en 2016 aux éditions Chronique Sociale. Elle a également publié Horace... Un semblable forfait, à partir d'Horace de Pierre Corneille, paru en 2020 aux éditions L'Harmattan. Pour ce projet, elle a fait dialoguer Droit et Théâtre en formant une équipe composée de juristes (magistrat et avocat.e.s) et de comédien.ne.s.

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