Chalon la lonlaine, brindezingue, la faridondon !

Chalon ! Après le Printemps des Comédiens, Montpellier Danse, le Festival d’Avignon, voici le dernier festival de juillet !

Ahhh Chalon Chalon ! C’est vert c’est vert ! C’est un peu plus frais qu’Avignon, et plein d’œuvres attendent nos regards. Il faut que je trouve un programme et un café ! Seulement voilà, le programme a un prix… “Trop bien ! Ça évite d’en prendre un, de l’oublier, d’en reprendre un, d’avoir la flemme de le porter, de le laisser, d’en reprendre un, etc” me dis-je.
– Ok, je prends le programme en noir et blanc à 3 euros.
– Mais il vous fait aussi celui à 4 euros si vous voulez savoir ce que vous allez voir, sur celui à 3 euros c’est que les horaires.
Je ne me décourage pas, je sors 7 euros et achète mes DEUX fascicules afin d’avoir UN programme.
A 7 euros, je vais apprendre l’édito du Maire par cœur ! Et puis celui du Président du Département de Saône-et-Loire, celui de la Présidente du conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté, et celui de Madame Rima Abdul-Malak, Ministre de la Culture… Et beh dis donc, pas d’édito ! Pas d’édito ?!? Il s’agit pourtant de l’ensemble des partenaires institutionnels de ce festival depuis 36 ans, non !?! Un détail…
Café et chocolatine ! On va pouvoir potasser ce programme sans édito, et rentrer dans le vif du sujet artistique. Je choisis un spectacle dont j’ai oublié le titre, par une compagnie dont j’ai oublié le nom… Comment faire pour savoir où, et à quelle heure ça joue ? Impossible ! Il faudra changer de fascicule et parcourir les 9 pages A4, times 6 grand max, pour trouver le nom de la compagnie et savoir, enfin, où et quand elle joue… Bien sûr, le fascicule n’est pas organisé par ordre alphabétique des titres ou des compagnies, mais par horaire… Et à chaque fois, rebelote ! 9 pages ! “Woua ! – me fais-je remarquer en moi-même (un peu en bougonnant il est vrai) – mais c’est le format des programmes TV !!!”
Que faire ? Choisir un horaire et espérer que cela soit bon ? Pourquoi pas… Allez hop, du hip-hop féminin ! Elles sont 5 et elles s’en sortent plutôt pas mal. Dommage que je ne sache pas ce que je suis en train de voir. Qu’à cela ne tienne, le chorégraphe, à la fin de la pièce, se présente : “C’est moi qui ai eu l’idée de ce spectacle ! Je suis à la conception et à la chorégraphie. Elles ne se connaissaient même pas entre elles avant : c’est moi qui les ai fait se rencontrer !” “Woua ! – me dis-je en moi-même (un peu en bougonnant il est vrai) – mais c’est hyper malaisant et misogyne ce gars qui vient affirmer son patronat au milieu des meufs !” Ça me tafure un peu tout ça, alors je vérifie sur le catalogue en couleur ce que je viens de voir. Aucun nom… Ni celui des interprètes, ni celui du chorégraphe patronal ! Encore moins, on s’en doutera, celui dula créateurice sonore, dula scénographe ou dula dramaturge… Idem pour toutes les compagnies, évidemment. “Woua ! – me fais-je remarquer en moi-même (un peu en bougonnant il est vrai) – mais c’est vraiment vraiment le format des programmes TV !!!” Voilà qui explique peut-être l’envie pressante que pourrait avoir un chorégraphe de se présenter au public pour revendiquer “c’est moi c’est moi !”.
Je me sens un peu démunie de ma subjectivité esthétique : on présuppose que je ne peux pas choisir ce que j’ai envie de voir ? Que je suis juste un cerveau disponible à 10h20, 14H15 ou 17H30 ? Et ce que l’on présuppose du public va de pair, souvent, avec ce que l’on présuppose de l’art, des œuvres, des artistes… Fonctionner par horaire, est-ce que cela veut dire que tout se vaut ? Que la seule différence entre les oeuvres, c’est leur horaire ? Je ne suis pas sûre que ce choix dé-hiérarchise les œuvres, j’ai plutôt l’impression que ça les invisibilise, que ça les noie… Il y a comme un danger politique, me dis-je, à travailler à la confusion entre la relativisation et l’indifférenciation, entre l’œuvre et le divertissement, entre l’artistique et le culturel…

Une rencontre publique avec un artiste ? Un débat ? Une lecture ? Non ! rien… Disons que de là où je pouvais considérer la chose, l’énoncé était clair dans sa participation à la confusion entre art et divertissement : il n’y a pas de questionnement, pas de discussion, pas d’altérité esthétique à même de savourer un débat, pas de regard de biais, pas d’œuvres qui se prolongent par un échange, pas de bousculement sensible qui demande à être partagé, pas de curiosité pour le parcours singulier de tel.le ou tel.le artiste… Et je me suis dis en moi-même (un peu en bougonnant il est vrai) : « C’est vraiment pas cool pour les artistes tout ça. » Et puis je me suis dis ensuite : « c’est un peu dangereux comme glissement tout ça ». Et puis j’ai précisé en moi-même, un peu inquiète : « politiquement dangereux, je veux dire… »

Port Nord de Chalon-sur-Saône

Pourtant, il y en avait des propositions artistiques à voir et à discuter, à Chalon cette année ; des propositions intéressantes pour ce qu’elles racontent, pour ce qu’elles montrent, pour la pertinence de leurs contenus, pour l’audace de leurs formes, etc. Il y avait, entre autres, Aude Schmitter (Compagnie La Berroca) avec PLS – Prendre Le Soin, Margo Chou avec Liliana Butter Not, Vladimir Delva (Compagnie La Flambeau) avec Les Revenants de L’impossible amour, Yann Lheureux et Patrice De Benedetti avec Adieu !, Djodjo Kazadi (Compagnie Kazyadance) avec Le Murmures des Décasés, ou encore le GK collectif et leur Végétale Vallée.

Marie Reverdy


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5 commentaires sur « Chalon la lonlaine, brindezingue, la faridondon ! »

      1. Tout va bien Marie, j’ai fait chalon dans la rue sans savoir que tu étais là, dommage ! Ca aurait été un grand plaisir de te revoir ; une prochaine fois peut-être.. Tes articles sont toujours un régal, c’est un bonheur de te lire.

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  1. Le programme de cette année a rendu les pros étrangers que je connais complètement dingues… Rien n’est pensé pour les non francophones en plus d’être illisible pour s’organiser. Espérons qu’ils redressent la barre l’année prochaine

    Aimé par 1 personne

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