Ineffable / Compagnie BurnOut – Jann Gallois

Pour le festival Montpellier Danse Jann Gallois ouvre, avec ce solo intitulé Ineffable, un nouveau cycle de recherche basé sur la quête de spiritualité. Fortement marquée par le bouddhisme, Jann Gallois mêle la pratique de la musique (wadaïko, cor, musique électronique), la technique du Hip-Hop et celle des Mudras (gestes rituels des mains employés par les bouddhistes que l’on pourrait qualifier de « Yoga des mains ») fusionnée avec la technique du Tutting (type de danse basé sur des positions angulaires des bras et des mouvements complexes des doigts).

Ineffable © Laurent Philippe

Musicienne, danseuse de Hip-Hop, fortement marquée par le Bouddhisme, Jann Gallois s’intéresse à la culture nippone, orthographiée par les kanjis日 (soleil) et 本 (origine), signifiant littéralement « l’origine du soleil » ou « soleil levant ». Et tout commence, en effet, comme un lever de soleil, dans la lumière orangée projetée sur la peau du Wadaïko, tambour traditionnel japonais. La pratique du Wadaïko demande un travail corporel exigeant caractérisé par une stabilité du bassin visant solidité, souplesse, force et sérénité. En ce sens, le Wadaïko constitue le point de jonction entre musique, art martial, méditation et danse, à l’image d’Ineffable. A ce cercle dressé comme un soleil répond, comme un reflet, un cercle discrètement sillonné sur le sol en lévitation.

Quittant le plan surélevé du Wadaïko central, Jann Gallois se dirige ensuite, à jardin, vers un Didjeridoo, lointain cousin du cor des Alpes ou du tonggin tibétain. La musique électronique apparait par le sampling du Didjeridoo, soutenant le cor qui sera samplé à son tour. C’est à partir de cette construction musicale que toute la portée de la quête spirituelle de Jann Gallois se fait comprendre. Chaque vibration des instruments finit par se déposer au creux de la boucle musicale et au creux de l’oreille pour faire fond, produisant la condition et la possibilité que quelque chose de nouveau advienne : un nouveau son, un état de corps, une danse. C’est l’avant-scène qui accueille la danse, structurée par le cercle sillonné au sol. Jann Gallois y dansera dedans, autour, dedans. Au centre de ce cercle, un punctum accueillera la fin du Kyrie d’Arvo Pärt, essentiellement dansé au sol. Mais ce ne sera pas la fin du spectacle, non, rien ne se termine par la mort. Le public s’y est trompé, sa présence se fait sentir, celle de l’assemblée, l’adresse de Jann Gallois devient directe. Le punctum, et le corps, se retrouvent alors corsetés par une structure métallique, celle de la chaire des prédicateurs et des prêtres, celle de la cage des condamnations idéologiques, celle dont on s’extrait, alors qu’elle tournoie, dans un mouvement centrifuge.

Seule en scène, construisant l’ensemble complexe d’Ineffable étape par étape, la spiritualité de Jann Gallois est Immanence. Il s’agit de chercher à l’intérieur de soi en prenant garde de ne pas s’illusionner devant de nouvelles idoles : le Moi, l’Ego, le Sujet… Nous pensons alors à Gilles Deleuze qui écrivait, dans Pourparlers : « Dresser un plan d’immanence, tracer un champ d’immanence […]. L’Abstrait n’explique rien, il doit être lui-même expliqué : il n’y a pas d’universaux, pas de transcendants, pas d’Un, de sujet (ni d’objet), de Raison, il n’y a que des processus, qui peuvent être d’unification, de subjectivation, de rationalisation, mais rien de plus. Ces processus opèrent dans des « multiplicités » concrètes, c’est la multiplicité qui est le véritable élément où quelque chose se passe. ».

Multiplicités concrètes des inspirations musicales et chorégraphiques, quelque chose se passe au plateau que nous avons du mal à décrire. Pas de transcendance, et pas de récit donc, quelque chose d’ineffable… aux deux sens du terme sur trois. Ineffable car hors fabulation : rien n’est plus concret, littéral, que cette proposition Ineffable à cheval entre le concert et le spectacle de danse. Ineffable, car il n’y a pas de mots pour décrire la danse de Jann Gallois, fourmillante de détails… Légèrement fable, néanmoins, dans la structure narrative qui sous-tend l’écriture chorégraphique.

Marie Reverdy

Chorégraphie, scénographie, costume et interprétation : Jann Gallois
Musiques : Jann Gallois, Nu, Taufiq Qureshi, Alexander Sheremetiev, Arvo Pärt, Ludwig van Beethoven, Yom, Philippe Hersant
Lumières : Cyril Mulon
Ingénieur son : Léo David
Réalisation
scénographie : Nicolas Picot & Cédric Bach – CEN Construction
Regard complice : Frédéric Le Van

Teaser et photos ©Gaelle Astier Perret

Production : Cie BurnOut
Coproduction :  Festival Montpellier Danse • Chaillot – Théâtre national de la Danse • Théâtre Paul Eluard (TPE) de Bezons, scène conventionnée d’intérêt national Art et Création–danse • Théâtre du Beauvaisis, Scène Nationale • Culture Commune, Scène Nationale du bassin minier du Pas-de-Calais • La Filature, Scène Nationale de Mulhouse • Théâtre de Saint-Quentin-en-Yvelines, Scène nationale • Châteauvallon-Liberté, scène nationale • L’Onde Théâtre centre d’art  • Théâtre de Chatillon • Scène Nationale du Sud-Aquitain • Mission danse de Saint-Quentin-en-Yvelines
Résidence artistique à la Chapelle Sainte-Marie / Cie La Baraka – Abou & Nawal Lagraa (Annonay)

Jann Gallois | Cie Burnout reçoit le soutien de la DRAC Île-de-France au titre de l’aide à la structuration – Ministère de la Culture, de la Région Île-de-France au titre de la permanence artistique et culturelle ainsi que de la Fondation BNP PARIBAS.

PREMIERES : 30 Juin, 1er et 2 juillet 2021 au Festival Montpellier Danse Edition 41.

Prochaines dates :

Du 22 septembre au 1 octobre 2021 – Chaillot – Théâtre National de la Danse, Paris, France

8 octobre 2021 – Châteauvallon-Liberté, Scène Nationale, Ollioules, France

10 décembre 2021 – Scène Nationale du Sud-Aquitain, Bayonne, France

18 et 19 janvier 2022 – Festival Suresnes Cités Danse, Suresnes, France

2 et 3 mars 2022 – La Filature, Scène Nationale, Mulhouse, France

22 et 23 mars 2022 – Théâtre du Beauvaisis, Scène Nationale, Beauvais, France

5 e 6 avril 2022 – TSQY, Scène Nationale Saint-Quentin-en-Yvelines, France

10 mai 2022 – Théâtre Paul Eluard, Bezons, France

20 mai 2022 – Théâtre de Châtillon, Châtillon, France

24 mai 2022 – Théâtre du Champs de Foire, Saint-André-de-Cubzac, France

Voir le programme de la 41ème édition du festival Montpellier Danse

Publié par Marie Reverdy

Marie Reverdy est dramaturge et travaille avec plusieurs compagnies de théâtre et de danse, en salle ou en espace public. Elle intervient auprès des étudiants de l’Université Paul Valéry-Montpellier 3, du Conservatoire de Montpellier parcours Théâtre, du DPEA de Scénographie de l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Montpellier et de la FAI-AR – formation supérieure d’art en espace public à Marseille. Formée à la philosophie, Marie Reverdy obtient son doctorat en 2008 avec une thèse consacrée à la question de la Représentation et de la Performance. Sa collaboration pour la revue d’art contemporain Offshore pendant près de 20 ans, pour laquelle elle rédigeait la chronique Théâtre, lui permet de se former auprès de Jean-Paul Guarino à l’exigence des concepts dramaturgiques et philosophiques déployés dans une langue qui échappe au formalisme universitaire. Marie Reverdy a également collaboré à la revue Mouvement pendant 5 années. Intéressée par la notion philosophique de Représentation, elle est l’autrice de l’ouvrage Comprendre l’impact des mass-médias dans la (dé)construction identitaire, paru en 2016 aux éditions Chronique Sociale. Elle a également publié Horace... Un semblable forfait, à partir d'Horace de Pierre Corneille, paru en 2020 aux éditions L'Harmattan.

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